- Ta gueule ! Ta gueule ta gueule ta gueule bordel ! Cria l'homme aux cheveux ras. L'autre se tut, ce n'était même pas la peine de discuter avec lui quand il était comme ça. Il n'avait jamais aimé les personnes au tempérament "sanguin", de toute manière.
Nathaniel semblait effectivement dans une rage folle, mais il ne lui en voulait pas. Il faut dire que tout était sa faute, et si son petit "plan" tombait à l'eau d'une manière aussi remarquable, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui même.
- Il est parti où encore ce con de Steve d'ailleurs ? Demanda l'homme d'une voix énervée.
- Il est parti pisser dans la ruelle, il te manque déjà ? Répliqua l'autre d'un ton moqueur.
Nathaniel ne releva pas et se contenta d'attendre. Au bout de quelques instant sortit de derrière un mur de brique un individu singulier, à l'air à la fois renfrogné et heureux, ce genre de contraste que l'on ne trouve que chez les gens à la fois mûrs, plein de vie, et parfois très étrange. Il avait les traits lourds et tranchants, et un regard vif. Il finit de remonter sa braguette et déclara :
- Alors, vous avez prit votre décision ?
- On continu. Lâcha Nathaniel.
- Comment ça "on" ? Répliqua immédiatement l'autre homme. T'es malade ?
- Malade ? Mais on y est presque putain ! Regarde, dit-il en désignant les immeubles autour de lui d'un large geste, la ville est beaucoup moins dense depuis quelques heures, on approche de la fin !
- Ce qui est beaucoup moins dense depuis quelques heures c'est notre groupe ! Je sais pas ce qui est arrivé à Emily et je suis pas sûr de vouloir le savoir, mais je suis a peu près persuadé que Joshua est mort, et les chances qu'un truc pareil arrive étaient infimes. C'est pas un hasard.
- Je suis assez d'accord avec Frederico, lâcha Steve.
- Alors quoi ? Vous allez partir maintenant ? Alors qu'on a fait le plus gros du chemin ?
- En fait j'ai jamais eu l'intention d'aller plus loin, continua Steve, je voulais juste savoir qui rentrait avec moi. Je pensais que tu l'avais compris.
- Mais qu'est ce qui va pas bordel ? Vous avez peur ? C'est du hasard putain, ce qui est arrivé aux autres c'est un putain de hasard. Puis qui la connaissait d'abord Emily ? A part nous retarder elle servait à rien cette pouffiasse avec sa dégénérescence dégueulasse !
- Tu ne sens pas que ça monte au fur et à mesure qu'on avance ? Il y a de plus en plus de changements, les rues se tordent sous nos pieds, tout est bouillonnant, on est déjà allé trop loin. Si on avait pas les rails pour se repérer on se serait déjà perdus dans ce chaos insupportable. J'en peux plus moi de sentir cette présence autour de nous qui nous oppresse et cherche à nous détruire. Combien de temps il te faudra pour l'admettre ?
- Je fais confiance au Mexicain, ajouta Steve calmement, si il dit que ça sent pas bon c'est que c'est vrai, tu ferais bien de l'écouter aussi. Même moi j'arrive à sentir ce sifflement malsain et silencieux. Qu'est ce qu'il te faut de plus pour comprendre qu'il ne faut pas aller par là ?
- Je vous emmerde vous deux et vos pressentiments de bonne femme, d'accord ? Il est hors de question que je passe un jour de plus dans cette putain de ville sous ce putain de ciel sans soleil. Je vais devenir aveugle dans toute cette obscurité, et tout ces pantins là... j'en peux plus ! J'en peux plus de tout ça, de toutes ces choses qui deviennent d'autres choses, de... des des des... des autres gens comme nous qui essayent de me disloquer les bras, des coups de feu la nuit, des choses qui rodent dehors, de tout ceux qui essayent de rentrer dans ma tête, et de ceux qui rampent surtout, ceux qui rampent comme d'horribles limaces boursouflées et gonflées de bonnes grosses doses d'humanités transfigurées !
Frederico et Steve échangèrent un regard inquiet pendant que Nathaniel continuait son monologue étrange perturbant. Il tremblait et son regard était planté dans le vide. Ils étaient en train de le perdre.
- Et tes yeux, tu ne sais plus où les poser parce que tout danse encore et encore, enchérit l'homme qui affichait une expression tantôt solennelle, tantôt décomposée. Le fruit de ta vie tu le perds au profit d'une pomme gâtée rongée par les vers ! Tout tremble, tout sauf toi, tu es fixe dans un monde qui tremble. Des trips j'en ai bouffé, et des sévères, mais ce n'était rien en comparaison de cette sensation permanente de perdition.
Soudain il planta à nouveau son regard dans celui de Frederico.
- Il faut partir, ajouta-t-il, il faut partir.
Steve ne put s'empêcher d'afficher un léger sourire de satisfaction, il avait toujours su que quelque chose clochait avec Nathaniel.
- Écoute mon vieux... Commença Frederico en reculant de façon instinctive.
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Voila, c'est un début d'histoire se déroulant à Kyooki, parce que j'avais bien envie de taper quelque chose ce soir. Je ne sais pas trop ce que je vais en faire, ni même si je vais le poursuivre, mais au moins ça me fait bosser les dialogues. o: